« Pour barrer la route à la financiarisation, il faut que les médecins montent en compétence sur ce sujet »

Gynécologue obstétricien dans une clinique roannaise (42) et élu de l’URPS Médecins Libéraux AuRA, le Dr Sébastien Cochin est également à la tête d’un réseau de centres de santé. Intéressé par les questions de gestion et de finance des établissements, il suit actuellement un master de Finance et nous livre son analyse de la financiarisation dans le domaine de la santé.

Santé et finance sont-ils deux mondes incompatibles  ?

Comme toute entreprise, une entreprise en santé a besoin de financements, qui lui permettront d’investir, de produire, et de dégager du profit. Le profit n’est pas un gros mot, le mot « profit » vient du latin « proficere », qui signifie « faire avancer », « progresser » ou « être utile ». De notre point de vue de soignants, le profit est utile car c’est grâce à lui qu’il est possible de réinvestir dans l’outil économique, c’est-à-dire dans notre métier, et donc pour finir dans la bonne santé des patients. Le problème est que les groupes financiers ne visent pas le même objectif : leur intérêt à eux est seulement la valorisation des activités du groupe, en vue d’une revente des établissements engendrant des bénéfices.

En quoi cette prise de contrôle par les groupes financiers est-elle défavorable pour la qualité du soin ?

En France, les tarifs de la santé ne sont pas libres. Pour augmenter ses profits de manière significative, un investisseur doit donc activer d’autres leviers : augmenter le volume d’activité, réduire les charges, et donc in fine dégrader les conditions de travail du personnel et les conditions d’accueil des patients. Ce sont les leviers de la finance classique, mais dans notre domaine cela a de lourdes conséquences sur la qualité du soin. Nous avons tous dans nos entourages des groupes de soignants qui sont en procès avec les groupes pour non-respect des contrats des praticiens, pour diminution non concertée des moyens ou modification unilatérale des organisations professionnelles. Cela n’est plus acceptable.

Comment voyez-vous l’avenir  ?

C’est déjà trop tard pour une partie du secteur, comme les structures d’hospitalisation qui sont aux mains de grands groupes puissants et qui travaillent à développer une image positive. Mais j’ai l’impression que toutes les récentes avancées et mobilisations de la profession, des instances, de la législation, pourraient permettre de freiner voire faire marche arrière dans d’autres secteurs. D’après moi, pour barrer la route à la financiarisation, il faut que les médecins montent en compétence pour pouvoir comprendre et prendre en main ces sujets. Il y a un volet financier dans la santé, nous ne pouvons pas l’occulter, mais il ne faut pas le laisser aux mains des financiers.

Concrètement, comment les médecins peuvent-ils agir ?

Il y a deux axes importants.
D’abord, s’informer et se former aux questions financières et de gestion. Le développement financier et l’optimisation des entreprises de santé sont une bonne chose, si elles sont faites par les médecins en vue d’une meilleure qualité de soins. Pour ma part, j’ai repris un cursus universitaire en Finance ; mais sans aller jusque-là, il existe aujourd’hui de nombreux moyens de monter en compétence. Des écoles proposent des programmes de formation en ligne, vous pouvez aussi trouver du contenu de qualité sur internet, par exemple sur la plateforme udemy.com.
La seconde action est la représentation dans les syndicats et aux URPS. Il faut impérativement aller voter ! Le jour où la profession de médecin sera largement représentée, elle pèsera et sera mieux entendue par les institutions.

Plus d’informations sur notre page dédiée à la financiarisation

Dr Sébastien Cochin, gynécologue-obstétricien (42), élu de l’URPS Médecins Libéraux AuRA

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