Le colloque FERTILYON organisé jeudi 6 avril à Natecia par les Dr Donadieu, Dr Bied-Damon, Dr Mirakian, Dr Sibeud et Dr Biet-Daragon, a mis l’accent sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur la fertilité. Partenaire de l’événement, l’URPS Médecins Libéraux AuRA s’est entretenu avec le Dr Pascale Mirakian, endocrinologue spécialisée dans la médecine de la reproduction.
Comment s’est développé votre intérêt pour les perturbateurs endocriniens ?
En 2007, lorsque le parc de la Tête d’Or a débuté sa gestion écologique, nous avons organisé un colloque en présence du Professeur Charles Sultan, spécialiste des pesticides mais aussi des perturbateurs endocriniens. Il est lanceur d’alerte sur les conséquences néfastes de ces produits chimiques, faisant notamment le lien avec l’augmentation des pubertés précoces. En tant qu’endocrinologue, ce mécanisme endocrinien qui perturbe le métabolisme m’a interrogée : comment cela fonctionne, comment est-ce possible ? Je m’y suis intéressée à titre scientifique.
Que sait-on des perturbateurs endocriniens aujourd’hui ?
Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques étrangères à l’organisme capables de modifier le fonctionnement du système hormonal. Ils peuvent avoir des effets néfastes sur la reproduction, la croissance, le métabolisme thyroidien et glucidique, les troubles du neuro-développement, les cancers hormonaux dépendants etc. Il en existe des centaines différents, et leur fonctionnement n’est pas facile à analyser car ils ne répondent pas aux règles de toxicologie classique : la quantité de substance n’est pas liée à la force des effets constatés. On peut avoir de faibles doses dans l’organisme et un impact fort sur la santé, et inversement. Il y a aussi un « effet cocktail » où les perturbateurs endocriniens peuvent interagir entre eux et perturber l’organisme sans que chacun, pris isolément, ait un effet.
Quels sont les effets sur la fertilité ?
On observe une baisse de la fertilité dans le monde. Le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé fait état d’une personne sur six qui serait concernée, au cours de sa vie, par un épisode d’infertilité. Il est prouvé que les perturbateurs endocriniens participent à ce phénomène, avec notamment une augmentation des cas d’endométriose, d’oligoasthénospermie, d’ovaires polykistiques, de diminution de la réserve ovarienne et de fausse couche. Il est donc essentiel d’informer et de sensibiliser les couples en démarche de procréation, d’autant plus que les perturbateurs endocriniens peuvent avoir à la fois un effet immédiat sur les individus, mais aussi un effet différé sur les fœtus. Ainsi les perturbateurs endocriniens auxquels est exposée la femme pendant la grossesse peuvent modifier l’expression des gènes du fœtus et affecter le capital santé de l’enfant.
Comment se protéger des perturbateurs endocriniens ?
La prévention est essentielle : il faut connaitre les perturbateurs, savoir où on les trouve, pour réduire notre exposition. Il y a trois types d’exposition aux perturbateurs endocriniens au quotidien : ce qu’on mange, ce qu’on respire et ce qu’on met sur notre peau. L’alimentation représente 80% des contacts avec les perturbateurs endocriniens, sous forme de pesticides, de conservateurs et d’emballages plastiques. Il faut donc éviter au maximum les plats préparés et privilégier les aliments bio. Concernant la pollution de l’air, on peut agir sur notre intérieur en aérant 10 minutes par jour et en évitant les parfums d’ambiance et les produits ménagers chimiques. Enfin, côté cutané, il s’agit principalement de limiter l’utilisation de cosmétiques ou de favoriser les produits bio.
Ce sont des conseils simples, mais on se rend compte que le public, et même les professionnels de santé, n’ont pas forcément connaissance de ces informations. C’est pourquoi j’ai créé un questionnaire, que nous proposons à nos patients dans la salle d’attente. Ce questionnaire interroge sur leur exposition aux perturbateurs endocriniens, et éveille leur intérêt ; je leur donne ensuite en consultation les conseils à appliquer. Je diffuse ce questionnaire dans les centres de PMA et auprès d’autres professionnels, il s’agit d’un outil simple et ludique. Le médecin a un devoir d’information et cette pédagogie est primordiale pour aider à la prise de conscience et au changement des habitudes.
Découvrez le questionnaire du Dr Pascale Mirakian et évaluez votre exposition aux perturbateurs endocriniens environnementaux en cliquant ici