Mobilisés pour une meilleure prise en charge du cancer du pancréas

La journée mondiale du cancer du pancréas aura lieu le 16 novembre 2023. Agressif et détecté souvent tardivement en l’absence de signes cliniques distinctifs, ce cancer pourrait devenir la 2ème cause de mortalité par cancer en Europe d’ici 2030. En Auvergne-Rhône-Alpes, des initiatives voient le jour pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de cette maladie. Rencontre avec Fadila Farsi, médecin attachée au Centre de Lutte contre le cancer Léon Bérard à Lyon et directrice du Réseau régional de cancérologie Auvergne-Rhône-Alpes OncoAura.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le cancer du pancréas ?

Le cancer du pancréas est, dans plus de 80% des cas, un adénocarcinome qui se développe aux dépens des cellules pancréatiques qui bordent les canaux conduisant le suc pancréatique vers l’intestin. L’augmentation d’incidence et la mortalité sont qualifiées actuellement par certains épidémiologistes de véritable raz-de-marée. C’est en effet un cancer en constante progression d’incidence : en France, en 2023, on décompte 15 991 nouveaux cas, dont 8 323 chez les hommes et 7 668 chez les femmes. Ce taux d’incidence progresse, en particulier chez les plus de 50 ans (+1,6% par an chez les hommes ; +2,1% par an chez les femmes entre 2010 et 2023).

Le pronostic reste très péjoratif (survie d’environ 10 % à 5 ans) et il est principalement attribuable à un retard au diagnostic des formes possiblement accessibles à une chirurgie curative.

Certains facteurs de risque ont été identifiés dont le tabagisme, la consommation d’alcool, et ceux liés au syndrome métabolique (sédentarité, obésité, et diabète). La prévention a donc aussi toute sa place dans la lutte contre l’augmentation d’incidence de ce cancer.


Comment est-il dépisté et soigné actuellement en France ?

Le dépistage fait l’objet de recommandations très précises, il concerne principalement les patients présentant une pancréatite chronique héréditaire ou porteurs de mutations spécifiques associées à des cancers rares, ou ceux ayant un contexte de cancers pancréatiques familiaux (CaPaFa). Dans tous les autres cas, on ne peut compter que sur notre capacité à diagnostiquer ce cancer à un stade précoce, c’est à dire évoquer ce diagnostic devant des symptômes très banals comme une fatigue inexpliquée, une perte de poids, une baisse d’appétit, des troubles de la digestion, des douleurs abdominales et/ou du dos ; un ictère et prurit. On voit bien à quel point cela peut être compliqué pour nos confrères médecins traitants d’y penser.

Le traitement carcinologique de référence d’une tumeur localisée est la chirurgie avec pour objectif d’obtenir la résection complète de la tumeur ; des indications de chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante peuvent être discutées selon les cas pour les tumeurs dites borderline ou localement avancées ; les formes métastatiques sont aussi éligibles aux traitements systémiques. Il faut aussi évoquer la nécessité du traitement rapide des syndromes obstructifs par drainage biliaire et celui des symptômes (douleurs, dénutrition…)  en particulier en préhabilitation.

 

OncoAura et ses partenaires, dont l’URPS Médecins Libéraux AuRA, conduisent depuis plusieurs années un projet régional autour du cancer du pancréas. Quels en sont les objectifs et les actions ?

Nous avons été particulièrement alertés par la progression d’incidence inexpliquée en France et dans notre région. Avec le Dr Christelle De Lafouchardière nous faisions partie du groupe de travail national qui a élaboré les recommandations de pratiques nationales.

Dans le prolongement de ce travail, nous avons souhaité avec l’URPS Médecins AuRA et les praticiens de la région AuRA organiser une concertation pour identifier en tant que professionnels de santé comment agir en proximité en matière de prévention et de prise en charge. Deux études ont ainsi été réalisées : une première sur la base PMSI (Management of Patients with Pancreatic Ductal Adenocarcinoma in the Real-Life Setting: Lessons from the French National Hospital Database July 2021 ; Cancers 13(14):3515) ; puis l’étude PANDAURA (Structural and Socio-Spatial Determinants Influencing Care and Survival of Patients with a Pancreatic Adenocarcinoma: Results of the PANDAURA Cohort ; November 2022 ; Cancers 14(21):5413) afin de bien identifier les déterminants sur lesquels nous pouvions collectivement agir.

Nous travaillons actuellement à l’action SOS Pancréas : en quoi consiste-t-elle ?

Le copil régional d’experts hospitaliers et libéraux mis en place a défini les actions prioritaires de l’action SOS Pancréas. Elles ont toutes pour objectif d’accélérer la phase diagnostique et la prise en charge initiale de ces cancers par la mobilisation des acteurs, via de la sensibilisation et/ou formation, le partage de pratiques d’un parcours optimal ou encore le référencements des radiologues et des structures qui s’engagent à contribuer et faciliter ce parcours.

En parallèle, avec l’URPS Médecins AuRA et le Dr Sylvie Filley-Bernard, sa présidente, nous restons aussi très mobilisés pour accompagner une démarche de prévention. Nous contribuerons et appuierons les campagnes de prévention dans ce domaine et souhaitons soutenir les équipes de recherche de notre région, telle que celle de Cancer Prévention du Centre Léon Bérard à Lyon.

Retrouvez plus d’informations sur le site Ressources de OncoAura

Fadila Farsi, médecin attachée au Centre de Lutte contre le cancer Léon Bérard à Lyon et directrice du Réseau régional de cancérologie Auvergne-Rhône-Alpes OncoAura

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