Environ 15% des centres d’imagerie en France sont actuellement en partie rachetés par des acteurs du secteur financiers. Cette tendance, en hausse encore l’année dernière, a motivé la mobilisation de jeunes radiologues inquiets pour l’avenir de leur profession. C’est ainsi qu’est né CORaIL, Collectif pour une Radiologie indépendante et libre, qui a participé à changer la donne. Rencontre avec Aymeric Rouchaud, radiopédiatre et cofondateur de l’association.
Comment et pourquoi est né le mouvement CORaIL ?
A l’été 2022, nous constatons avec d’autres radiologues qu’il devient difficile pour les jeunes de rester maîtres de leur outil de travail dans un contexte de financiarisation accrue. Notre première action est de créer un groupe WhatsApp pour rassembler les jeunes radiologues, partager facilement les informations et coordonner les efforts. C’est un succès : la participation à nos groupes explose, jusqu’à atteindre plus de 2000 radiologues aujourd’hui, dont une très grande majorité de jeunes. Nous décidons alors de nous structurer en association.
CORaIL est le Collectif pour une Radiologie indépendante et libre : quelles sont vos ambitions ?
CORaIL a vocation à défendre une pratique indépendante de la radiologie face au mouvement de financiarisation qui touche notre secteur. Il existe en effet une différence fondamentale de nature entre la fonction d’un groupe financier, qui est de rentabiliser son investissement, et celle du médecin, qui est de soigner les patients en retirant une juste rémunération. La recherche du profit et de la rentabilité, qui est par nature l’objectif poursuivi par les investisseurs non exerçants, est délétère pour les médecins, qui sont parfois privés de leur liberté et du contrôle sur leur outil de travail, ainsi que pour les patients, dont la santé n’est plus au cœur des considérations. De très nombreux acteurs ont manifesté leur inquiétude au sujet des prises de participations des acteurs financiers au sein des structures d’imagerie. C’est le cas de l’académie de médecine, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), du Conseil National de l’Ordre des médecins et les conseils départementaux, ou encore de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR).
Nous pensons que les médecins doivent utiliser les outils juridiques à leur disposition pour se développer et maintenir des soins de qualités dans l’intérêt du patient mais sans jamais aliéner leur indépendance professionnelle. C’est pourquoi CORaIL lutte contre les rachats des groupes de radiologie qui ne respectent pas la législation en vigueur qui impose un certain degré de contrôle et de détention des structures d’exercice par les praticiens.
Quelles sont vos actions pour lutter contre la financiarisation de la radiologie ?
Principalement l’information ! Nous avons constaté, à travers nos groupes Whatsapp, que les jeunes radiologues étaient attachés à une pratique libre, indépendante, guidée par les valeurs de la médecine, mais manquaient cruellement d’information sur la nature des offres ainsi que sur la situation actuelle inquiétante. L’association tente de relayer au maximum les informations relatives à l’actualité sur cette question qui est au demeurant foisonnante.
Nous avons également constaté que les adhérents étaient prêts aussi à s’installer, à investir, contrairement à ce que certains acteurs du secteur laissent entendre. Nous avons donc créé un annuaire national des centres membres de l’association qui adhèrent à nos valeurs afin de permettre aux radiologues d’avoir une visibilité.
Nous proposons aussi des outils pédagogiques aux jeunes radiologues et aux internes. Enfin, grâce à notre forte représentativité (nous fédérons aujourd’hui plus de 40% des jeunes radiologues), nous sommes identifiés par les instances comme l’ARS, la DGOS ou le Ministère et pouvons discuter avec eux.
Quelle est aujourd’hui la tendance de la financiarisation de la radiologie en Auvergne-Rhône-Alpes ?
Nous avons beaucoup de chance, car en comparaison d’autres régions, la région AuRA est une région dynamique, avec des groupes de radiologues libéraux qui restent maîtres de leur outil de travail, et qui tiennent à leur indépendance. La bonne nouvelle au niveau national est qu’après plusieurs années de hausse, la financiarisation de la radiologie a du plomb dans l’aile. Plusieurs facteurs ont joué contre la financiarisation en 2023, aux côtés de l’action de CORaIL : la hausse des taux financiers d’abord, qui rend moins intéressant l’emprunt d’argent même pour les grands groupes ; la jurisprudence du Conseil d’Etat du mois de juillet 2023 qui a considérablement rebattu les cartes et l’action du Conseil National de l’Ordre des Médecins, qui s’est emparé de la problématique de la financiarisation de manière diligente et compétente et a envoyé des messages forts aux financiers.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes radiologues ? Et aux plus anciens ?
Aux jeunes qui s’installent, nous conseillons de ne rien signer sans un avocat. Le domaine est complexe, chacun son métier : un médecin peut difficilement comprendre les subtilités des différentes conventions, pactes d’associés, et autre LOI qui ne font pas partie de notre vocabulaire. Nous les invitons également à aller faire un tour sur notre site pour connaître les groupes adhérents à nos valeurs.
Aux plus âgés, nous conseillons de chérir l’indépendance qu’ils ont construit sur toute leur vie. Même si les sirènes de la vente avec un “gros chèque” sont attrayantes, les jeunes sont prêts à faire des efforts sur le prix des parts pour faciliter la transition générationnelle et les financements dont ils peuvent disposer restent élevés. La situation est difficile pour tout le monde, avec des contraintes démographiques indépendantes de notre génération.
Pour plus d’informations, consultez le site de CORaIL