Le dépistage organisé du cancer du sein a 20 ans ! A l’occasion de cet anniversaire, l’URPS Médecins Libéraux AuRA met en lumière le rôle et la mobilisation des médecins libéraux dans ce programme qui permet, chaque année, de sauver des vies.
Un outil pour guider les médecins libéraux dans le parcours du dépistage organisé
L’URPS Médecins Libéraux AuRA s’est associé avec Dépistage des Cancers en AuRA pour créer un outil digital sur le parcours des professionnels de santé dans le dépistage organisé du cancer du sein. Ce parcours s’adresse aux professionnels acteurs directs de ce dépistage, à savoir les médecins généralistes, gynécologues et radiologues, ainsi qu’aux sages-femmes.
Dépistage organisé du cancer du sein en France pour les femmes de 50 à 74 ans : une mammographie et un examen clinique des seins auprès d’un radiologue agréé, tous les 2 ans.
51,6 % de participation des femmes au dépistage organisé du cancer du sein en 2022-2023 (contre 46,6 % en 2005-2006)
Paroles de libéraux
Hier, aujourd’hui, demain : les médecins libéraux sont des acteurs essentiels du dépistage organisé du cancer du sein. Ils partagent leurs témoignages et leurs conseils.
Dr Catherine GOUARDERES – Anatomo-pathologiste à la retraite
» Les techniques d’investigation actuelles permettent la détection de tumeurs de plus en plus petites et, de ce fait, une prise en charge précoce «
J’ai participé à la mise en place du programme de dépistage organisé du cancer du sein en Savoie, aux côtés de différents médecins et autres professionnels de santé. Au cours de ma carrière de médecin anatomo-pathologiste, j’ai vu augmenter le nombre de cancers du sein chez une population de femmes de plus en plus jeunes. Heureusement, les techniques d’investigation actuelles permettent de déceler des tumeurs de plus en plus petites et, de ce fait, une prise en charge précoce. Les campagnes de dépistage organisé ont amené de nombreuses femmes à consulter, soit après une autopalpation, soit sur les conseils du médecin traitant. Le taux de participation n’est pourtant pas assez élevé : aussi, je ne peux qu’encourager toutes les femmes à participer au dépistage, car une prise en charge précoce est garante d’un traitement optimal !
Dr Bénédicte VIGIER – Radiologue spécialisée en imagerie de la femme
» Je le dis aux patientes : vous êtes celles qui connaissez le mieux votre corps «
Beaucoup de femmes n’ont pas de suivi gynécologique, donc le dépistage organisé s’avère très utile. Il est également important que les femmes soient vigilantes, s’observent et se palpent régulièrement les seins. Comme je le dis aux patientes : vous êtes celles qui connaissez le mieux votre corps. Les patientes peuvent trouver elles-mêmes des lésions de taille centimétrique quand elles se palpent les seins, j’ai eu des dizaines de découvertes par autopalpation dans ma pratique courante. Il existe, chez les femmes participant au dépistage organisé, des cancers d’intervalle survenant entre 2 mammographies. Il existe aussi des cancers survenant en dehors de l’âge ciblé du dépistage organisé, chez la femme jeune notamment : ceux-ci représentent 20% des cas.
Dr Jérôme PASCAL – Médecin généraliste
» Le rôle du médecin traitant est de persuader ses patientes de participer au dépistage organisé «
Le dépistage du cancer du sein, par la mammographie, a changé les perspectives d’évolution de la maladie. En effet, auparavant, cet examen était réalisé soit après la découverte d’une masse palpée par la patiente ou le médecin traitant, soit de façon non systématique, retrouvant parfois une tumeur a un stade avancé. Le dépistage organisé a permis un diagnostic précoce, bien avant que la lésion soit palpable ou que des complications se manifestent, débouchant sur un traitement plus rapide et un pronostic plus favorable. Le rôle du médecin traitant est donc de persuader ses patientes d’accepter l’invitation adressée par l’assurance maladie afin d’augmenter le taux de participation.
Dr Eric TEIL – Radiologue, élu de l’URPS Médecins Libéraux AuRA
» Le contrôle de qualité et la double lecture des clichés de mammographie permettent un dépistage supplémentaire des cancers «
La généralisation du dépistage organisé du cancer du sein a conduit à plusieurs changements dans les pratiques des radiologues. Tout d’abord, la mise en place d’une démarche qualité de la première lecture des mammographies, avec la formation des manipulateurs radio et des radiologues (type FORCOMED), ainsi que des contrôles qualité réguliers du matériel par un organisme extérieur. Puis la mise en place d’une seconde lecture, inédite en médecine, où le second lecteur, qui a validé une formation spécifique, donne son avis d’expert sur le travail du premier lecteur.
Cette seconde lecture permet un contrôle de la qualité des clichés et également une relecture de ceux-ci, permettant un dépistage supplémentaire de cancers (environ 5 % en seconde lecture). Ce dépistage supplémentaire, 20 ans après, est à réévaluer, car les premiers lecteurs sont devenus eux-aussi des experts.
Dr Anne DELORAINE – Médecin de santé publique à la retraite, ex-référente du dépistage organisé du cancer du sein à Dépistage des cancers en AuRA
Dr Philippe VITTOZ – Médecin généraliste à la retraite, deuxième vice-président du Dépistage des cancers en AuRA
» Des interrogations et points de vigilance pour l’avenir «
Si ce sont principalement les radiologues qui ont été concernés par la mise en place du dépistage organisé du cancer du sein, les médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes ont également un rôle important : non seulement de prévention et de sensibilisation, mais aussi dans l’examen clinique des seins recommandé annuellement dès 25 ans – l’autopalpation n’étant pas suffisante. Dans l’invitation reçue par la patiente, celle-ci est incitée à parler du dépistage avec son médecin traitant ; il reçoit systématiquement les résultats des mammographies.
Après 20 ans de dépistage organisé, on constate une baisse de la détection de cancers en seconde lecture, qui reste néanmoins de l’ordre de 5% des cancers détectés. Comme elle s’accompagne d’une augmentation des cancers détectés en première lecture, ceci est à mettre sur le compte d’une plus grande expérience des radiologues premiers lecteurs mais aussi de l’amélioration de la qualité des clichés en lien avec le passage aux clichés numériques. Cette évolution va probablement s’accentuer avec la tomosynthèse, nouvelle technique d’imagerie du sein. A l’avenir ceci ne remet pas en cause l’intérêt de la deuxième lecture mais modifiera sans doute les pratiques avec, de plus, l’utilisation de l’intelligence artificielle en première lecture. Celle-ci limitera-t-elle la seconde lecture aux clichés les plus complexes d’interprétation ? Enfin, depuis janvier 2024, ce n’est plus Dépistage des cancers AuRA mais l’Assurance Maladie qui est chargée d’envoyer les invitations à participer au dépistage organisé : réussira-t-elle à augmenter le taux de participation ? L’avenir nous le dira.