La Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales, plus communément nommée CCI, participe à améliorer le droit des malades. En son sein, des médecins siègent aux côtés de représentants des patients, de responsables d’établissements de santé, d’assureurs, de magistrats etc. afin de favoriser la résolution des conflits entre professionnels de santé et victimes d’accident médical. Le Dr Pascal Metois, urologue au Puy-en-Velay, y représente depuis 2018 les médecins libéraux au nom de l’URPS.
Quel est le rôle de la CCI ?
La Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales a été créée en 2002 par la loi dite Kouchner, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Jusque-là, lorsqu’un patient était victime d’un accident médical, il devait intenter une action en justice contre le praticien et/ou l’établissement ; toutefois, si aucune faute de l’un ou l’autre n’était prouvée, alors la victime n’avait pas droit à une indemnisation. Pourtant, ses séquelles étaient bien réelles… Il y avait donc une forme d’injustice.
La loi Kouchner crée un dispositif plus équitable et solidaire nommé l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), auquel se rattache la CCI. La démarche pour les victimes est ainsi plus simple, plus rapide et gratuite, sans besoin de procédure en justice. Et la nouveauté, c’est qu’une indemnisation des dommages est possible même si aucune faute du praticien ou de l’établissement n’est relevée : c’est alors l’ONIAM qui prend en charge l’indemnisation de ce qu’on appelle « l’aléa thérapeutique ».
Comment fonctionne la CCI ?
La Commission est présidée par un magistrat et composée d’une douzaine de membres : représentants des usagers et patients, des professionnels de santé hospitaliers et libéraux, des établissements, des assurances, de l’ONIAM, ainsi que de personnes qualifiées. La CCI œuvre dans le même cadre que l’ONIAM, mais en est distincte.
Lorsqu’une victime saisit la CCI et que son dossier est recevable, une expertise est diligentée. La CCI se réunit ensuite pour prendre connaissance du rapport d’expertise et auditionner les deux parties, la victime et le mis en cause (praticien ou établissement). Suite à cela, la CCI délibère et statue sur deux points : la présence ou absence de faute du médecin et/ou de l’établissement, puis les postes de préjudices indemnisables, autrement dit les dommages (corporels, patrimoniaux, etc.) subis par les victimes.
Attention, la CCI n’ordonne pas l’indemnisation et ne fixe pas de montants, elle se prononce exclusivement sur le principe de l’indemnisation. Le dossier est ensuite renvoyé auprès des assureurs du praticien ou de l’établissement en cas de faute, ou bien de l’ONIAM en cas d’absence de faute : charge à eux de faire une proposition à la victime.
En tant que médecin libéral, qu’est-ce qui vous a motivé votre participation à la CCI ?
J’ai toujours été un médecin assez engagé, notamment dans la vie syndicale de notre métier. J’aime faire évoluer les choses, éviter les abus de position. La montée en puissance de la judiciarisation de la médecine, dans les années 1990, a soulevé une injustice pour les patients, puisqu’en absence de faute ils ne pouvaient pas bénéficier d’une réparation. Il me parait pourtant important de pouvoir mutualiser le risque grave, compter sur la solidarité pour indemniser les victimes d’aléas thérapeutiques. C’est ce que permettent la CCI et l’ONIAM.
En parallèle, j’ai toujours aimé le droit, l’argumentation, c’est donc très intéressant pour moi de prendre part à ces débats et expertises. Avec les années d’exercice, on a un œil plus aguerri, c’est d’ailleurs nécessaire d’avoir de l’expérience pour analyser les situations. Notre objectif n’est pas de courir après une vérité scientifique mais de concilier, de rendre une décision entendable pour les deux parties et d’éviter si possible aux parties d’aller jusqu’au contentieux judiciaire long, coûteux et aléatoire…
Est-ce que l’existence de la CCI tend à augmenter les recours des patients contre les praticiens ? La CCI peut-elle être une « menace » à la pratique médicale ?
Lors de la création de l’ONIAM et de la CCI, il y a effectivement eu une hausse des cas dûe à la gratuité et à la simplicité de cette procédure. Toutefois, les chiffres sont maintenant stables : dans le Rhône, nous traitons environ 300 dossiers par an, et une cinquantaine dans l’Auvergne. La CCI améliore le droit des patients et des victimes à se faire entendre mais n’est pas pour autant une menace pour les praticiens. Bien sûr, en tant que médecin, être mis en cause nous impacte toujours. Mais la CCI permet d’éviter un recours judiciaire, et nous membres de la Commission cherchons à être les plus honnêtes possibles dans nos avis, animés par l’impartialité que la collégialité de tous ses membres conforte. Rappelons également que la CCI n’accepte d’instruire que les dossiers considérés comme graves.
Est-ce que votre expérience à la CCI a changé votre façon de pratiquer la médecine ?
La loi Kouchner, qui a créé la CCI, a également instauré l’obligation du devoir d’information. Cela a été une petite révolution pour les médecins, et a fait évoluer ma pratique au quotidien. Plus d’échanges ( devoir d’information et consentement éclairé…), une meilleure traçabilité, pouvoir justifier mes actes de soins, sont des préoccupations encore plus présentes. Ce que je peux constater avec mon expérience à la CCI, c’est l’importance d’échanger et communiquer avec ses patients. En cas de problème, prendre le temps de bien s’entretenir avec eux, puis au besoin leur conseiller de prendre un 2e avis. Les malades ont des droits et il est nécessaire de leur faire connaitre, ce qui ne remet pas en question que « Le contrat de soins est la rencontre d’une confiance et d’une conscience « ( Dr L. Portes, 1949 ), mais que celui-ci nécessite parfois un véritable éclairage.