Régulation saturée, baisse du nombre de médecins effecteurs volontaires, concurrence des centres de soins-non-programmés, etc. : la permanence des soins ambulatoires (PDSA) fait face à de nombreuses problématiques, différentes selon les territoires. Pour continuer à assurer ce service d’offre de soins de premier recours dans des conditions satisfaisantes, il est essentiel d’en repenser l’organisation. Rencontre avec le Dr Roland Rabeyrin, médecin généraliste en Haute-Loire et coordinateur du Groupe de Travail PDSA de l’URPS Médecins Libéraux AuRA.
Quelle est la situation de la PDSA aujourd’hui en Auvergne-Rhône-Alpes ?
D’après les derniers chiffres étudiés par l’URPS Médecins AuRA, près de 69% des médecins généralistes de la région participent aujourd’hui à la permanence des soins ambulatoires. La moyenne nationale est de 62.8%. On constate toutefois de fortes disparités selon les départements, avec en haut du tableau l’Allier et la Haute Loire (+ de 80% de participation), et en queue de classement le Rhône (63%) et le Puy-de-Dôme (52%). Au-delà des chiffres, les médecins impliqués sur le terrain font remonter de nombreuses difficultés, là aussi très différentes selon les territoires, liées aux évolutions sociologiques de la profession et de la population.
Quelle est la teneur des problématiques rencontrées par la PDSA ?
A plusieurs endroits, la PDSA est en train de craquer. Une problématique est la défection des médecins effecteurs, dont les raisons sont différentes selon les territoires. Parfois c’est parce que certaines zones manquent tout simplement de médecins généralistes ; parfois c’est parce qu’au contraire l’activité PDSA est faible donc peu rémunératrice, notamment dans des zones où des centres de soins non-programmés se développent. L’évolution sociologique de la profession amène également une jeune génération parfois moins encline à accepter les contraintes de la garde, et plus féminine aussi, avec des notions d’insécurité pour nos jeunes consœurs.
Côté régulation, la pratique est impactée par les problèmes d’effection, car il est compliqué d’orienter les patients sans médecin effecteur ! La régulation médicale libérale sature sur certaines plages horaires, et les volontaires se font rares. Dans d’autres territoires, on constate également un phénomène de « chasse gardée » qui rend difficile l’entrée de nouveaux médecins régulateurs.
Des solutions sont-elles envisageables ?
Nous y réfléchissons avec le groupe de travail consacré à la PDSA au sein de l’URPS Médecins Libéraux AuRA. Pour identifier les problématiques rencontrées sur les territoires et réfléchir de nouveaux modèles d’organisation de la PDSA, nous travaillons avec les acteurs du terrain. Nous nous sommes d’abord rapproché des membres des CODAMUPS (Comités Départementaux de l’Aide Médicale Urgente, de la Permanence des Soins et des transports sanitaires) afin de prendre la mesure des situations dans les départements. L’étape suivante est d’échanger directement avec les correspondants de secteur.
Pour mon département de Haute-Loire, j’ai réuni en janvier une quinzaine d’acteurs de la PDSA pour réfléchir ensemble à des solutions concrètes. Nous avons cerné les difficultés de notre territoire et développé des pistes pour y répondre : faciliter le transport des patients autonomes vers l’effecteur ; réorganiser l’est du département avec un possible projet de MMG ; envisager la téléconsultation assistée par un professionnel de santé autre que médecin ; ou encore moderniser les outils de téléphonie de la régulation libérale. Des propositions écrites en ce sens ont été transmises à l’ARS ; la balle est désormais dans leur camp puisque ce sont eux qui sont chargés d’organiser le dispositif.
La question de la réinstauration des gardes obligatoires a été évoquée plusieurs fois récemment dans le débat public. Que faut-il en penser ?
C’est un sujet compliqué. Certains confrères qui s’épuisent sur le terrain en ont assez que tout le monde n’assume pas sa part de responsabilité en PDSA, et pourraient être favorables à l’obligation de garde. Mais cette mesure irait à l’encontre de l’attractivité de notre profession : déjà qu’on constate un déficit d’installation des médecins généralistes, ce sera pire si les gardes deviennent obligatoires ! Il faut plutôt réorganiser le fonctionnement de la PDSA pour la rendre plus supportable et plus attractive pour la profession, à long terme. C’est ce à quoi nous travaillons au sein de l’URPS, et nous invitons l’ARS à écouter nos alertes et nos propositions.